Marianne Leterme est logopède 
et psychologue. Elle dirige le 
Centre Psycho-Médico-Social 
libre de Comines.

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Marianne Leterme répond à nos questions
Quelle est l'origine de votre réflexion/de votre attention  sur les difficultés des enfants à l'école ?

Adolescente, j’ai occupé mes loisirs à l’animation des enfants. Dans la foulée, j’ai décidé d’entamer des études en logopédie, avec un intérêt particulier pour les pathologies présentées par les enfants. J’ai poursuivi par une licence en psychopédagogie pour tenter de mieux comprendre les implications psychologiques de ces pathologies.

 
Votre expérience professionnelle vous a amené(e) à rencontrer de nombreux enfants en difficulté dans le contexte scolaire.  Pourriez-vous citer 3 caractéristiques communes à tous les enfants qui vivent cette réalité ?

  • manque d’estime de soi, souffrance ;

  • conséquences négatives sur le comportement ;

  • difficultés pour en sortir…



Vos représentations de cette problématique ont-elles évolué dans le temps ?  Grâce à quoi ?  ... à qui ?

Mes représentations ont évolué avec le temps, l’expérience, la variété des situations rencontrées, les formations continues qui m’enrichissent – notamment pour affiner la compréhension des processus (cognitifs, psychologiques, linguistiques, etc.) en jeu dans les difficultés scolaires.

A votre avis, l'école fait-elle partie du problème ?

Oui, à différents niveaux : des enseignants savent merveilleusement « porter » ces enfants, d’autres – hélas- les « détruisent » un peu plus en paroles ou en actes ; la rigidité de notre système scolaire, divisé en années de cours ; des enseignants pas suffisamment préparés pour appréhender les difficultés d’apprentissage que présentent des enfants ou pour communiquer de manière constructive avec les parents de ceux-ci ; l’école qui valorise encore trop souvent quasi exclusivement les performances intellectuelles au détriment des qualités humaines, artistiques, manuelles, etc.

 
Comment appréhendez-vous la situation d'un enfant en difficulté à l'école ?  Quelles sont vos premières clés de lecture de cette difficulté ?

J’écoute d’abord l’enseignant qui me décrit les difficultés ; je lui demande d’informer les parents de sa démarche à mon égard et de mon intervention auprès de leur enfant ; je rencontre l’enfant avec des outils adaptés aux premiers éléments d’information que j’ai reçus ; je discute aussi avec celui-ci pour avoir sa vision du problème ; je rencontre les parents pour évaluer la collaboration possible.
 
Qu'avez-vous appris, par votre expérience, qui pourrait aider les enseignants à mieux appréhender la réalité de ces enfants et les guider dans leur travail d'accompagnement de ceux-ci ?
 

Qu’un regard positif que porte l’enseignant sur l’enfant est primordial et déterminant : l’enfant fait forcément des progrès quand il comprend que son enseignant l’accepte comme il est, avec ses difficultés ; que son enseignant lui trouve des qualités. Il progresse forcément quand l’enseignant valorise chaque petit progrès que fait l’enfant, chaque victoire qu’il obtient sur lui-même, quand l’enseignant comprend que l’important n’est pas que cet enfant en difficulté parvienne à faire comme les autres mais bien qu’il progresse par rapport à lui-même. Et que, oui, pour un enfant présentant des difficultés particulières, on peut avoir des exigences différentes que pour les autres enfants : ce n’est pas être injuste par rapport aux autres enfants mais bien au contraire, être juste pour tous.

 
Pouvez-vous témoigner d'une réussite dans votre travail d'accompagnement d'enfants en difficulté ?

J’ai eu à intervenir pour un enfant de 4 ans qui présentait des troubles du comportement. A l’époque, je soutenais l’enseignante qui avait bien compris que cet enfant était insupportable dans sa classe parce qu’il vivait dans des conditions insupportables chez lui ; elle mettait en avant son potentiel intellectuel, son côté attachant derrière sa violence. Les parents l’ont changé d’école et là on a décrété qu’il relevait de l’enseignement de type 3 et il a été réorienté dès que possible. J’ai revu cet enfant par hasard quand il avait 9 ans : j’étais allée chez lui pour parler avec la maman d’une de ses petites soeurs. Il s’est approché de moi en me regardant fixement puis il m’a dit : « Tu me connais, hein, toi ? » J’ai répondu que oui, qu’on s’était connus quand il avait 4 ans. Il m’a dit : « J’étais bien là, dans cette école »…. Cela m’a confortée dans ce que je dis régulièrement aux enseignants qui se découragent face aux petits progrès que fait un enfant en difficulté, se demandant à quoi sert ce qu’ils font. Le témoignage de cet enfant est édifiant…

Si vous pouviez disposer d'une baguette magique pour changer une seule chose dans l'école, que changeriez-vous ?

La manière d’évaluer ! Je supprimerais les stylos rouges qui servent à corriger, les notes sur 10 où les enfants en difficulté ne peuvent avoir que des notes négatives, les bulletins où les notes apparaissent en 2 couleurs selon qu’elles sont positives ou négatives, où n’apparaissent que trop rarement des commentaires positifs et encourageants pour les enfants en difficulté…

 
Si vous n'aviez qu'un seul conseil à donner aux enseignants confrontés à l'accompagnement au quotidien d'enfants en difficulté à l'école, que leur diriez-vous ?

C’est avec ces enfants-là que votre métier atteint toute sa noblesse ; c’est avec ces enfants-là, si vous acceptez de leur consacrer l’énergie nécessaire, que vous vivrez vos plus beaux moments sur le plan professionnel. Vous êtes des chercheurs d’or, l’or que recèlent ces enfants derrière leurs difficultés…

 

Marianne Leterme, février 2010