Daniel Pennac est écrivain. Malgré une scolarité désastreuse, il devient professeur de lettres . Puis il se met à écrire. Ses premiers essais sont suivis d'une série d'oeuvres de littérature enfantine. En 1992, il publie “Comme un roman”, essai sur la lecture dans lequel il définit les droits du lecteur. En 2007, il reçoit le Prix Renaudot pour son roman autobiographique “Chagrin d'école”.

Sophie Barbieux
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Maryline Léonard
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Sophie Chiaramonte
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Vincent Avart et Nancy Verdonc
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Daniel Pennac répond à nos questions
Quelle est l'origine de votre réflexion/de votre attention  sur les difficultés des enfants à l'école ?

Les souvenirs de ma propre cancrerie et un quart de siècle passé à enseigner à des enfants et à des adolescents en plus ou moins grande détresse scolaire.

Votre expérience professionnelle vous a amené(e) à rencontrer de nombreux enfants en difficulté dans le contexte scolaire.  Pourriez-vous citer 3 caractéristiques communes à tous les enfants qui vivent cette réalité ?

  • Premièrement : la peur. Peur du questionnement et de l’échec, donc une peur de l’école qui se transforme très vite en peur de soi.
  • Deuxièmement : La procrastination conséquence de cette peur, qui fait que l’élève remet toujours à plus tard l’effort qu’il doit fournir  et perd de ce fait le sens même de la durée.
  • Troisièmement : La constitution d’une personnalité de compensation. Qui vient “consoler” le mauvais élève de la piètre image que l’échec scolaire lui donne de lui-même.

Vos représentations de cette problématique ont-elles évolué dans le temps ?  Grâce à quoi ?  ... à qui ?

Ma foi non, car il ne s’agit malheureusement pas de “représentations”.
 
A votre avis, l'école fait-elle partie du problème ?

Bien sûr, puisqu’elle est le lieu d’un apprentissage qui, pour ces élèves, ne se fait pas. Mais quand je considère le travail extraordinaire de certains professeurs pour trouver de nouvelles voies d’accès à la “comprenette” des élèves, elle devient aussi, grâce à eux, parfois, une solution.  
Comment appréhendez-vous la situation d'un enfant en difficulté à l'école ?  Quelles sont vos premières clés de lecture de cette difficulté ?

La perception de sa peur, précisément, qui se manifeste par toutes sortes de comportements de refus dont certains veulent se faire passer pour des gestes de révolte.
 
Qu'avez-vous appris, par votre expérience, qui pourrait aider les enseignants à mieux appréhender la réalité de ces enfants et les guider dans leur travail d'accompagnement de ceux-ci ?  

L’art de ce que j’appellerais la dédramatisation.
 
Pouvez-vous témoigner d'une réussite dans votre travail d'accompagnement d'enfants en difficulté ?

Oui, et aussi de quelques échecs. Ce sont mes anciens élèves le plus souvent, quand je les rencontre dans la rue ou dans une manifestation littéraire, et qu’ils exhibent fièrement leurs métiers –  restaurateur, pilote de ligne, médecin, orthophoniste, chef de chantier, professeur, pompier, etc.  - qui me parlent de ces réussites.
Il ne s’agit d’ailleurs pas de ma réussite, mais de la leur. Anciens mauvais élèves ils ont, un jour, cessé d’avoir peur, (et j’y suis, en effet, peut-être pour quelque chose), mais tout le reste, c’est  à eux qu’ils le doivent et à d’autres personnes ou circonstances de leur vie.
La réussite en question ne se mesure pas à l’aune du métier qu’ils exercent, mais à l’équilibre qu’ils trouvent en l’exerçant.

Si vous pouviez disposer d'une baguette magique pour changer une seule chose dans l'école, que changeriez-vous ?

Je ferais en sorte qu’il y ait plus de magie et  moins de baguettes.
 
Si vous n'aviez qu'un seul conseil à donner aux enseignants confrontés à l'accompagnement au quotidien d'enfants en difficulté à l'école, que leur diriez-vous ?

Je ne suis guère donneur de conseil, et ma réponse ferait doublon avec celle de votre sixième question.


Daniel Pennac, mars 2010