Ecouter l'enfant pour aider l'élève.
L'élève en difficulté a des choses à nous dire, écoutons-le !
Dépasser les apparences ... dépasser son ressenti, ses intuitions
Ecouter pour comprendre (enfant iceberg)
Ecouter pour reconnaitre (Grandir, c'est un besoin.   Ne pas grandir, une souffrance.)
Ecouter aussi pour mettre en projet (cfr "peut mieux faire")

En tant qu’enseignants concernés par les missions fondamentales de notre métier et conscients de l’importance d’éduquer tous les enfants à devenir des citoyens responsables, nous tentons, au fil des jours, d’amener nos élèves à développer des compétences qui leur permettront de s’épanouir dans la vie active. Investis par cette responsabilité, partageant la vie scolaire de nos élèves au quotidien et soumis à la pression d’injonctions institutionnelles qui nous invitent à nous comporter en professionnels appliqués, nous nous percevons, bien souvent, comme les personnes les plus expertes et les mieux placées pour comprendre, sous ses divers aspects, la réalité scolaire des enfants qui peuplent nos classes.

Dès lors, quand certains de nos élèves sont confrontés à un parcours scolaire plus problématique, nous pouvons avoir l’impression d’être les seuls à devoir et à pouvoir saisir le sens de leurs difficultés, d’être les seuls compétents pour juger de ce qu’il y a de mieux pour ces enfants. Nous cherchons alors immédiatement à leur apporter une aide active en tenant compte, bien souvent, de nos propres suppositions quant à la nature et l’origine de leurs troubles. Toutefois, le simple fait de supposer être les mieux placés pour appréhender et comprendre les élèves en difficulté suffit-il pour pouvoir affirmer que nous les connaissons vraiment et que nous sommes aptes à leur apporter le soutien dont ils ont réellement besoin ? Rien n’est moins sûr… Si nous nous limitons à nos propres représentations, à des intuitions, le risque est grand que nos efforts restent vains et que l’aide apportée à ces élèves soit inadaptée. Pour que notre initiative soit pertinente, il s’avère nécessaire de ne pas se satisfaire de préjugés, de jugements sans fondement qui risquent de rendre notre soutien stérile. Il est fondamental de comprendre l’élève dans sa globalité, en tant qu’enfant doté de compétences pour révéler qui il est dans ses différences, dans ses limites et ses difficultés.

Par conséquent, avant de mettre en place des dispositifs de soutien à l’élève, prenons le temps de le connaître en tant qu’individu afin de cerner la réalité dans laquelle il évolue et la manière dont il perçoit ses difficultés : écoutons ce que l’élève a à nous dire. Cerner les difficultés des élèves passe avant tout par l’écoute et l’observation de ceux-ci en tant qu’êtres singuliers. L’élève en difficulté n’est-il pas l’un des mieux placés pour mettre des mots sur ses maux ? Pour rendre compte de la manière dont il appréhende son quotidien scolaire jalonné d’obstacles et de doutes ? Cette écoute et cette attention particulières accordées à l’élève ne sont pas négligeables dans la mesure où elles permettent à notre pensée d’enseignant de changer d’angle de vue.

Par ailleurs, elles nous fournissent des indices précieux quant aux directions à privilégier afin d’appréhender ses difficultés. Dans ce cadre centré sur une approche systémique, nous pouvons déceler certains indices sur la nature et l’origine des difficultés des élèves par l’observation du travail réalisé en classe, du comportement dont ils témoignent, de leur langage non verbal… En effet, ces éléments d’observation constituent de nombreux vecteurs par l’intermédiaire desquels ces enfants expriment qui ils sont dans leur potentiel et leurs limites tout en ne le formulant pas explicitement.

Cette prise d’informations fait également partie intégrante de l’écoute active de ce que l’élève en difficulté a à nous dire sans l’avouer.
En outre, comme l’écoute active est ancrée dans une démarche relationnelle où les difficultés sont directement appréhendées avec les acteurs concernés, elle peut s’avérer être une source d’informations pertinente pour la mise en œuvre d’aides efficaces. En effet, en tenant compte de l’élève dans sa globalité, tant sur les plans cognitif qu’affectif, les dispositifs de soutien envisagés seront d’autant plus appropriés pour remédier à ses difficultés ou, du moins, lui permettre de s’en accommoder afin de vivre une scolarité qui soit la plus épanouie possible. Écouter sous toutes ses formes revient alors à comprendre le sujet pour « bien identifier les différentes problématiques qui s’associent à son inadaptation » et à agir par la suite afin de l’« aider à réduire peu à peu ses difficultés » (J-J Guillarmé).

Toutefois, écouter n’est pas facile. Cela nécessite d’être attentif à la réalité de l’autre, « une conscience profonde et la capacité de suspendre nos jugements et nos préjugés. Elle requiert une ouverture aux changements. Cela demande que nous appréciions l’inconnu et surmontions les sentiments de vide et de précarité qui nous envahissent lorsque nos certitudes sont remises en question » (Carlina Rinaldi). Cela demande de dépasser les apparences, ses ressentis et intuitions. Cela nécessite également l’assouplissement du cadre hiérarchique et du rapport d’autorité qui unit l’enseignant et l’élève afin de pouvoir établir une relation et un climat de confiance hors de tout jugement et évaluation. Ceci permet de favoriser les échanges et l’acceptation par l’élève de l’attention qu’on souhaite lui porter.

Dès lors, n’accablons pas l’élève de paroles intrusives, de mots sollicitants et envahissants, laissons-le venir à nous en toute liberté, en lui accordant une oreille attentive et un regard bienveillant. Dans cette optique, l’enseignant n’est pas celui qui sait tout et en impose, mais bien celui qui aide l’enfant à s’exprimer en profitant de moments informels pour discuter avec lui lorsqu’il se montre disponible d’esprit. L’écoute donne à l’élève un statut privilégié, car elle lui accorde une attention particulière et favorise ainsi le développement d’une relation constructive avec l’adulte. Ce faisant, l’enseignant permet à l’élève non seulement de prendre conscience de ses difficultés, de donner sens à la situation dans laquelle il se trouve, mais également de se sentir compris, ce qui constitue déjà un pas vers le progrès. La confiance en soi et en l’autre permet de prendre des risques, d’expérimenter, d’être créatif, d’oser l’erreur et d’apprendre.

Écouter ce que l’élève en difficulté a à nous dire passe donc par un travail d’échanges, d’observations interactives. « C’est par l’action conjointe des partenaires transformant peu à peu un signifiant commun que la situation prend sens. L’aide adressée à l’élève en difficulté s’ancre dans une dimension relationnelle et apparaît comme un dialogue en action s’exerçant sur une situation. Elle réunit l’enfant et l’enseignant adulte dans un effort conjoint et les conduit (…), sous l’égide du silence et de la parole associés (…) à transformer ou enrichir le sens de la situation créée par eux (…) Le travail conjugué de l’adulte et de l’enfant - par avancées interactionnistes et touches cognitives successives - peut devenir ainsi un puissant vecteur d’aide » (J-J Guillarmé).