Perle de sagesse : sculpteurs, l'un pour l'autre
Au centre du village, un gigantesque bloc de pierre.

On s’y était habitué.
Et pourtant, bien des fois, on avait essayé de se débarrasser de cette masse informe qui défigurait le paysage.

Un jour, un sculpteur étranger passa par là et fit une proposition au conseil des anciens. On entoura le bloc de pierre d’une immense palissade et, durant des mois, des coups de marteau résonnèrent.

Le travail terminé, on rassembla la communauté pour l’inauguration : un superbe cheval de pierre ornait le centre du village.
Après les applaudissements, un petit enfant s’approcha du sculpteur et lui demanda :
comment tu savais qu’il y avait un cheval dedans ? 

Au fond de chacun de nous, il y a un trésor à faire apparaître.
Pas nécessairement apparent à première vue.
Il faut bien quelques coups de burin. Certains font mal.

Nous sommes à la fois sculpteurs et sculptés, les uns pour les autres. Nous devons tellement aux autres.

Ce que certains nous ont fait découvrir nous a amenés à nous former pour aider d’autres à s’épanouir.
Nous nous formons, mais les enfants ne sont-ils pas nos premiers sculpteurs ? Les premiers à voir la beauté du cheval ? C’est peut-être là leur premier trésor.

Nous avons sans doute des choses à leur apporter. Mais peut-être davantage à leur permettre de découvrir parce que nous croyons profondément pouvoir leur dire qu’ils sont une merveille.

Je n’ignore pas que pour certains enfants, la sculpture a fait place à la démolition, parfois lourde. La pierre semble tellement cassée qu’aucun cheval ne pourra en sortir. Pourquoi pas un animal plus petit ? Le lapin, le faisan ou la souris ne sont pas moins beaux.

Je n’ignore pas la démolition plus large en Palestine, en Afrique, en Amérique Latine, ailleurs. Je n’ignore pas les luttes à entreprendre, à tenir. Mais sont-elles possibles sans force intérieure, sans retrouver l’une ou l’autre source au fond de nous, que nous pouvons recevoir d’autres, de l’Autre pour celles et ceux qui y croient.

Jean-Pierre Hommé