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Des enfants ont du mal à entrer dans les apprentissages que l’école leur propose, à répondre aux attentes qu’elle a vis-à-vis de leur devenir scolaire.
  1. Selon vous, l’école est-elle responsable - au moins partiellement- de cette difficulté ?
  2. On parle beaucoup des rythmes scolaires aujourd’hui. Les adapter constituerait-il, selon vous, une piste de solution ?
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  1. L’enseignant peut à travers sa pratique aider les élèves à secondariser. Il s’agit pour lui de les aider à prendre conscience de ce qu’on est occupé à faire, de pourquoi on le fait mais aussi de favoriser les échanges entre enfants à propos de leurs démarches. Ce n’est pas tant le « produit fini » qui est intéressant, c’est plutôt la manière dont on s’y est pris pour y arriver. En outre, il n’y a pas, le plus souvent, une seule manière de faire mais plusieurs.
  2. La question des rythmes scolaires ne semble pas fondamentale selon cette perspective, ce qui ne signifie pas qu’elle ne se pose pas par ailleurs. Néanmoins, ici, l’adaptation est plus directement liée aux pratiques de classe en termes didactique et pédagogique.

Christine Caffieaux

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  1. Oui, l’école peut être responsable si elle n’offre pas aux élèves un cadre de fonctionnement qui les aide à élaborer un rapport aux savoirs signifiant et à donner du sens aux tâches scolaires. Ce cadre sollicite plusieurs niveaux, les plus évidents sont les aspects didactiques et pédagogiques, les dimensions sociales (communication), les aspects matériels, mais aussi plus rarement pris en compte, les dimensions culturelles et historiques des savoirs, dans leur dimension universelle comme dans l’espace scolaire.
  2. Cette question repose surtout sur le souci du respect des rythmes physiologiques (fatigue, alternance entre des moments d’étude et de repos, etc.) je ne pense pas qu’on puisse réussir en généralisant les réponses à y apporter. Par contre je pense que c’est au sein de sa classe que l’enseignant peut moduler les efforts à fournir en fonction des comportements des élèves et du niveau de difficulté de certains apprentissages. Il faut aussi impérativement y associer les parents (élaborer une réflexion sur l’interaction entre rythmes scolaires et rythmes familiaux au quotidien).

Marie-Thérèse Zerbato-Poudou

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  1. Toutes les difficultés scolaires ne sont pas imputables au fait que l’école n’éduque pas suffisamment aux codes de son propre fonctionnement et délègue à la sphère du familial cette transmission. Par exemple avec les difficultés liées à la notion de maturité cognitive (Connac, 2009). A leur entrée en maternelle, des dissymétries profondes distinguent les enfants : certains sont avides et prêts à apprendre, d’autres découvrent l’objet-livre : ils sont peu habitués aux relations avec des adultes et semblent tout découvrir. Contrairement au titre d’un célèbre ouvrage des années 70, tout ne se joue pas avant 6 ans. Mais ce qui se construit dès la toute petite enfance conditionne et détermine une grande partie du rapport au monde et à la culture développé par l’école.
  2. Adapter les rythmes scolaires devrait être au service de ceux des enfants alors que ce qui se passe actuellement en France n’est qu’au service des adultes. Une véritable réforme des rythmes scolaires devrait intéresser ce qui se passe à l’intérieur des temps de classe (par de l’alternance entre temps collectifs et situations personnalisées de travail) et demander au monde des adultes un certain nombre d’aménagements pour un devenir meilleur des générations montantes.


Sylvain Connac

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  1. Oui, et pas que partiellement ! Il est urgent que l’école analyse (à la lumière des recherches sociologiques actuelles sur la construction des difficultés scolaires) l’importance primordiale de ce qui se passe pendant la classe, au sein des dispositifs d’enseignement. C’est là que se fait –ou pas- l’accrochage !
  2. Peut-être, mais cela ne me semble pas le plus important ni le plus urgent. Ce qui importe c’est de respecter chaque jour les forces (immenses quand elles sont bien exploitées) et les limites (énormes) des enfants en situation d’apprentissage scolaire.


Danielle Mouraux

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  1. Oui bien sûr.

    D’abord parce qu’elle a une double mission : former et sélectionner… Ce qui fait qu’elle se met elle-même les bâtons dans les roues.

    Ensuite parce que les gens d’école, pris dans cette injonction paradoxale n’analysent pas le plus souvent le métier qu’ils font exercer aux élèves. Ne les regardent pas travailler comme on pourrait regarder un maçon, un électricien, un chercheur. Et du coup ne voient pas que leurs meilleures intentions pédagogiques sont brisées par cette injonction paradoxale qu’ils reçoivent (former et sélectionner).

  2. On peut changer tout ce que l’on veut dans le système scolaire, mais tant que la question de la sélection est mêlée à celle de l’éducation, aucun changement ne fera évoluer fondamentalement le métier d’élève. Comme le métier d’enseignant d’ailleurs.


Etiennette Vellas

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  1. Quand on parle de responsabilité de l’école, de qui parle-t-on ? Du ministère ? Des inspecteurs ? Des formateurs ? Des enseignants ? Au plan institutionnel, oui, il y a de vraies responsabilités car c’est bien à l’échelon étatique que sont définis les programmes, le recrutement des enseignants, la formation initiale, la formation continue, les rythmes scolaires, le maintien ou la suppression des dispositifs d’aide aux élèves en difficulté, le nombre de postes mis aux concours. Mais l’enseignant, malgré tout, conserve sa marge de manœuvre qui est sa part de responsabilité. Pour l’essentiel, elle est pédagogique. Pour le sujet qui nous intéresse, celui du métier d’élève, elle est d’être le plus possible explicite sur les attentes, mais aussi de permettre aux enfants de trouver le sens des apprentissages au travers de finalités véritables.

    C’est ce dernier point qui m’a attiré vers la pédagogie Freinet. L’élève écrit, mais pour un correspondant. Il mesure, mais pour tracer les lignes du terrain de sport. Il interroge, mais pour rédiger l’article du journal d’école. Il apprend des chansons, mais pour une représentation publique. La socialisation de son travail (recueil de textes, exposés, affichages, publications, constructions, réalisations) lui permet une mise en œuvre concrète des compétences mobilisées.

  2. En France, cette question des rythmes scolaires a occupé toute l’actualité éducative pendant deux ans. Nous avions la particularité d’avoir à la fois le plus faible nombre de jours d’école (140) mais avec les journées de classe les plus lourdes (6 heures, même en maternelle).

    Il a donc été décidé de revenir à une semaine de 4 jours et demi, mais en insistant fortement pour que la matinée supplémentaire soit le mercredi, et non plus le samedi comme avant 2008. Du coup, les après-midi sont écourtés pour permettre la mise en place d’activités périscolaires. Hors, si notre éducation est nationale, l’école est communale. Tout cela se fait donc au bon vouloir des mairies qui mettent ou non en place des activités, payantes ou pas. Pour leur décharge, les difficultés rencontrées sont cumulatives. Les communes n’ayant pas de locaux n’avaient le plus souvent pas de personnel qualifié ni le budget nécessaire malgré les aides de l’état. Du coup, beaucoup s’inquiètent de cette « municipalisation » de l’école et des inégalités territoriales que subissent les élèves dans l’offre d’activités.
    J’ai pourtant défendu le principe d’une réforme des rythmes même si j’étais favorable au retour à la classe le samedi matin, ce qui aurait permis de voir davantage les parents. Surtout, il fallait que l’école redonne le rythme, la pulsation de la vie de l’élève, car en semaine de 4 jours, elle devenait périphérique, voire accessoire. Prenez n’importe quel jour de classe : la veille ou le lendemain il n’y avait pas école !

    Mais une réforme des rythmes ne peut être efficace qu’en s’inscrivant dans un ensemble de mesures convergentes : nouveaux programmes adaptés, formations - initiale et continue - repensées, dispositifs innovants (plus de maîtres que de classes), accueil précoce en maternelle, etc. Officiellement, c’est ce qui doit être mis en place en France, mais même en cas de réussite, se posera la question de l’apparition des premiers effets bénéfiques. Dans un an ? Cinq ans ? Dix ans ?


Sylvain Grandserre

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  1. Bien sûr : parce qu’on ne donne toujours pas suffisamment de sens aux apprentissages qu’on leur propose : pourquoi est-ce que je dois apprendre à colorier sans dépasser, à convertir des mètres en centimètres, à retenir une poésie par cœur, etc., etc. ? Trop d’enfants pensent encore que ce qu’on fait à l’école c’est uniquement du travail d’enfant, sans comprendre ce à quoi cela leur servira dans la vie, sans qu’on leur donne du plaisir à le faire, sans qu’on y donne du sens pour eux-mêmes (nourrir leur estime de soi quand ils arrivent à faire quelque chose qu’ils ne savaient pas faire jusque là). L’école belge reste aussi beaucoup trop exclusivement centrée sur les apprentissages théoriques et intellectuels en oubliant complètement les apprentissages manuels et artistiques dans lesquels nombre d’enfants s’épanouiraient autrement.

  2. Pour moi, ce n’est pas la priorité. Par contre, je vois 2 pistes de réflexion :

    1° : on parle beaucoup des rythmes scolaires mais on questionne peu les rythmes familiaux : l’enfant de 4 ans qui arrive déjà à 7h à la garderie et en repart à 18h30 ; l’enfant de 6 ans qui a des activités extra-scolaires tous les jours de la semaine, week-end compris ; l’enfant qui arrive le lundi matin de chez papa avec sa valise pour passer la semaine chez maman, etc.

    2° : toutes les questions d’organisation de l’école liées au bien-être des adultes mais au détriment des élèves : des enfants de 1
    ère année qui ont tous les cours « spéciaux » (gym, piscine, néerlandais) le lundi parce que l’institutrice est à 4/5 temps ; des enfants de 2ème maternelle qui ont leur 2 périodes de psychomotricité d’affilée après le repas de midi pour que leur enseignante puisse rentrer chez elle ...


Marianne Leterme

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  1. Evidemment que oui. Tant que l’école et ses représentants seront incapables d’entrer dans la logique - au sens large - de l’apprenant, il y aura difficulté. L’enseignant doit donc se décentrer pour comprendre et réagir. Il ne pourra le faire que s’il travaille dans des conditions décentes en termes d’effectifs, de formation personnelle/professionnelle, d’encouragements par l’Institution.
  2. Oui, à condition que la réforme des rythmes soit globale, sur la journée, la semaine, l’année, et qu’elle soit menée vraiment au services des élèves. Le temps est un élément fondamental dans la réussite de chacun. Lire à ce titre le livre « Eloge de l’éducation lente » de Joan Domenech Francesch.

Daniel Gostain