Chantal et Marie Austenne, Justine Beaujot, Chrystelle Beaurin, Monique Comblin, Catherine Famelart, Anne-Sophie Herman et Anne-Lise Sohier, enseignantes maternelles et primaires à l'école St Nicolas de Thynes, avec la collaboration de Marie-Christine Gérard, conseillère pédagogique du diocèse de Namur/Luxembourg

L'heure de la lecture,
Anne Verbauwhede
Lire, prendre du plaisir et réussir ... Organiser des groupes de besoins en lecture au cycle 2,
équipe du cycle 2 de l'école St Jean Baptiste de Herseaux-Ballons
Une école parents a(d)mis
Marilyne Gillard
Mon talent, ma passion
Dominique Bastogne
Les clinicours, une remédiation efficace et différente
Bénédicte Louis et Bénédicte Antoine
Construire ensemble un regard pluriel sur nos élèves en difficulté
Faire face ensemble aux difficultés
Comme beaucoup d'enseignants, depuis quelques années, nous avons le sentiment de rencontrer un nombre croissant de difficultés dans le travail au quotidien avec des enfants de notre école. Nous nous sentons parfois désarmées face à ces difficultés, qui nous prennent beaucoup d'attention et d'énergie et perturbent le bon fonctionnement de nos classes.
L'année dernière, l'une d'entre nous fut particulièrement touchée par les comportements très problématiques de l'une de ses élèves. Au fil des jours, la relation avec l'enfant devenait de plus en plus difficile à gérer. Malgré son expérience professionnelle, notre collègue ne parvenait plus à s'en sortir et perdait progressivement confiance en ses propres capacités de gérer sa classe. Cette relation problématique envahissait peu à peu le reste de son travail, et l'affectait même en-dehors de son cadre professionnel.
Devant cette situation de plus en plus perturbante, nous avons pris conscience qu'il nous faudrait trouver ensemble des pistes de solution. C'est ainsi que notre conseillère pédagogique nous a proposé de vivre des séances
structurées d’échanges centrés sur l'accompagnement de nos élèves en difficulté, depuis le début de cette année scolaire.

Un groupe de parole
Nous programmons ces séances lors de nos réunions d'équipe, à un rythme de deux séances par trimestre, et nous y consacrons chaque fois deux périodes de concertation. Elles sont animées par la conseillère pédagogique, ce qui permet à chacune d'entre nous de s'impliquer pleinement dans les échanges. Cela facilite aussi le respect du protocole, condition essentielle pour le bon déroulement des séances.

Pour démarrer le temps d'échanges, chacune rédige en quelques lignes la description d'un cas problématique vécu dans sa classe, qu'elle souhaite soumettre au reste du groupe. Nous nous les présentons mutuellement, et ensemble nous choisissons celui qui nous parait le plus urgent à traiter.
La collègue concernée par le choix du groupe décrit alors la situation, avec davantage de détails, de manière à ce que chacune puisse s'en faire une représentation plus précise.
La collègue concernée par le choix du groupe décrit alors la situation avec davantage de détails, de manière à ce que chacune puisse s'en faire une représentation plus précise. Au besoin, des questions de clarification lui sont posées.
Ensuite, après avoir pris le temps de l'écrire en quelques mots, chacune d'entre nous livre son ressenti face à la situation proposée. A ce stade, il s'agit d'exprimer sa propre perception, les émotions que l'écoute de la situation évoquée provoque au plus profond de soi : c'est un travail d'empathie.

Une fois ces perceptions partagées au reste du groupe, nous tentons de cheminer vers des pistes d'action. Pour cela, la collègue concernée traduit ses préoccupations en les reformulant sous la forme d'une question précise, centrée sur un besoin ressenti dans la relation entre l'enfant et l'enseignant.
Chacune se remet alors à écrire, en cherchant diverses pistes de réponses possibles pour aider l'enfant et l'enseignant à sortir des difficultés rencontrées. A ce stade, toute pensée créative est encouragée, même si elle ne semble a priori pas très réaliste.

Nous partageons nos pistes à tour de rôle. L'enseignante qui a présenté le cas problématique en prend note, sans réagir dans un premier temps, ne le faisant que lorsque le tour de table est terminé.

La discussion qui s'ensuit nous conduit souvent à prendre de la hauteur par rapport au problème abordé, et débouche régulièrement sur l'identification de besoins plus larges dans notre travail au quotidien (tels que l'auto-évaluation, le rôle des sanctions, la mise en place d'un portfolio, etc.).

La séance se clôture par un rendez-vous à la prochaine fois où, avant d'aborder un nouveau cas problème, nous envisagerons le suivi du cas présenté cette fois-ci.
Une pratique qui apaise, qui (re)donne confiance et qui ouvre des pistes
Après quelques séances, nous pouvons déjà mesurer les bénéfices de ce travail d'équipe.
Parmi ceux-ci, il nous semble évident que :
  • Ces séances créent un cadre nécessaire et rassurant pour aborder des difficultés que, trop souvent, nous n'évoquions qu'entre deux portes, sans prendre vraiment le temps de les traiter réellement.
  • Le travail de mise en mots de la situation problème et du ressenti qu'elle provoque, aide à prendre de la distance, à se dégager du vécu émotionnel - parfois très lourd - pour la regarder autrement.
  • Cette mise à distance nous conduit souvent à reconsidérer l'enfant en lui-même, tel qu'il est ... et qu'on avait peut-être perdu de vue derrière le problème qu'il nous pose.
  • La recherche collective de solutions est efficace : souvent, ensemble, nous identifions des pistes d'actions qu'aucune d'entre nous n'aurait envisagées si elle avait été laissée seule face au problème rencontré.
  • Ce faisant, elle est aussi rassurante car elle donne le sentiment de reprendre du pouvoir sur les difficultés qui nous submergeaient, de parvenir à démêler des noeuds qui nous paraissaient inextricables.
  • Les échanges sont bénéfiques pour chacune d'entre nous, même s'ils portent sur une difficulté vécue dans la classe d'une collègue. D'abord, parce que nous pouvons souvent établir des liens avec des situations analogues vécues dans notre classe. Ensuite, parce qu'ils nous aident tout simplement à mieux vivre notre métier, en apportant de la sérénité face aux difficultés que nous vivons toutes, un jour ou l'autre, face aux enfants de nos classes.
  • L'impact sur nos relations en équipe est appréciable : ces moments d'échanges sont des temps privilégiés de respect et d'écoute entre collègues ; nos différences, personnelles ou liées à l'expérience acquise dans l'école, constituent autant de ressources pour trouver ensemble des solutions.
Quelques balises essentielles
Pour retirer un profit maximum de ces groupes de parole, il nous semble important de veiller à :
  • confier l'animation de la séance à une personne ressource extérieure à l'équipe. Celle-ci pourra mieux gérer les échanges et la prise de prise de parole parce qu'elle n'est pas impliquée dans la situation abordée. Elle sera aussi plus facilement centrée sur le respect du protocole, qui crée le cadre des échanges. Nous nous sommes tournées vers la conseillère pédagogique de notre entité pour assumer ce rôle... Mais il pourrait aussi être confié à d'autres personnes ressources (comme par exemple les membres de l'équipe PMS).
  • recourir systématiquement à l'écrit lors de chaque étape : mettre ses questions, ses émotions, ses idées par écrit aide à mieux se recentrer. De plus, les échanges qui suivent s'en trouvent clairement enrichis par les apports de chacun.
  • instaurer un climat convivial, fait de confiance, d'écoute et de respect mutuels. En aucun cas, ces séances ne peuvent constituer des temps de gestion de conflit entre des personnes de l'équipe. Dans ce même esprit, il nous semble utile de garantir la liberté d'y participer, tout en insistant sur l'engagement que cela implique.
  • garantir le respect de la déontologie et du secret professionnel : rien de ce qui est dit ne doit sortir du contexte des échanges ni être partagé des des personnes extérieures au groupe.

Enfin, dès le départ, il nous paraît important d'accepter une part d'impuissance face à l'ensemble des difficultés à affronter. On ne résout pas en une seule fois une situation problématique qui s'est créée il y a longtemps.
De même, nous ne pouvons régler seules des difficultés dont une part nous échappe.
Parfois, les solutions que nous trouvons ne constituent que de petites avancées ... mais elles contribuent déjà à mieux vivre ensemble le temps de l'école.

Chantal et Marie Austenne, Justine Beaujot,
Chrystelle Beaurin, Monique Comblin, Catherine Famelart,
Anne-Sophie Herman et Anne-Lise Sohier,
enseignantes à l'école St Nicolas de Thynes,
avec la collaboration de Marie-Christine Gérard,
conseillère pédagogique du diocèse de Namur,

Février 2010