Marilyne Gillard est enseignante au cycle 2 d'une école en Discrimination positive, à Saint Gilles
Evaluer avec des mots, pas avec des chiffres
Martine Meurant
Martine Meurant
L'heure de la lecture,
Anne Verbauwhede
Anne Verbauwhede
Lire, prendre du plaisir et réussir ... Organiser des groupes de besoins en lecture au cycle 2,
équipe du cycle 2 de l'école St Jean Baptiste de Herseaux-Ballons
équipe du cycle 2 de l'école St Jean Baptiste de Herseaux-Ballons
Mon talent, ma passion
Dominique Bastogne
Dominique Bastogne
Les clinicours, une remédiation efficace et différente
Bénédicte Louis et Bénédicte Antoine
Bénédicte Louis et Bénédicte Antoine
Construire ensemble un regard pluriel sur nos élèves en difficulté
équipe St Nicolas de Thynes
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Une école parents admis
Un peu d’histoire…
A Saint-Gilles, dans un bâtiment imposant de la rue de la Rhétorique, se trouve une école en discrimination positive, dirigée par Véronique Lahoese. Marilyne Gillard y enseigne depuis une petite dizaine d’années, au cycle 1, en première ou en deuxième année primaire. Cette école a connu des hauts, des bas, et a voulu établir des relations plus claires avec les familles. Au fil des ans, l’équipe d’enseignants évolue, et décide de se bouger et de faire bouger les choses. Ils consacrent énormément de temps à se concerter, à discuter de leur école, une véritable école de quartier, qui est en discrimination positive, de leur identité professionnelle au sein de cette école, du futur de leurs élèves mais aussi du quotidien des parents. Des parents issus de milieux très variés, de nationalités diverses, qui parlent le français ou pas du tout. Ils tentent d’entrer davantage en contact avec eux et font le choix de leur poser les questions qui sont au centre de leurs débats : « Qu’est-ce qu’apprendre pour vous ? », « Quelle est la vie scolaire de votre enfant ? »
« Allo, ici l'école de votre enfant, j’écoute ? »
De manière étonnante, la plupart des parents répondent à l’enquête menée et communiquent leurs sentiments les plus divers, du plus sombre au plus éclairant pour l’équipe. Les enseignants sont à l’écoute de tous les propos, sans exception. La liaison était établie, mais il fallait passer à un autre mode de communication.
Pour l’équipe, il fallait les inviter à l’école pour montrer aux parents de quelle manière leurs enfants vivaient au quotidien. Une journée « Portes Ouvertes » ? Non, bien plus pointue que ça, l’équipe de Marilyne fait le choix d’informer les parents sur les convictions pédagogiques des enseignants, soutenus par leur directrice.
Dans un premier temps, ils réalisent un film sur DVD illustrant le quotidien des classes, la vraie vie à l’école, et la manière dont chaque enfant est pris en considération lors d’activités de tous les types. Le monde de l’école et en particulier, de la pédagogie, entre, par la voie médiatique, au sein de chaque famille.
L’équipe invite ensuite chaque parent à une rencontre, en soirée, autour de concepts qui rythment le quotidien des enfants en classe : l’apprentissage, le droit à l’erreur, les travaux de groupe ou encore l’apprentissage de la lecture. L’organisation de ces réunions est très caractéristique : il s’agit de montrer comment on apprend. L’équipe met un point d’honneur à accueillir les parents au sens large : ils peuvent venir accompagnés d’un proche qui sera leur interprète de la soirée, si la langue française les met mal à l’aise. Les parents qui se sont inscrits à la rencontre, sont « mélangés » de manière aléatoire et constituent quelques groupes. Chaque groupe rejoint une enseignante de l’établissement dans une classe. C’est là que se passe la rencontre. De la même manière dans chaque groupe, en utilisant les mêmes termes et avec les mêmes convictions, chaque enseignant place le groupe de parents en activité, autour d’un sujet, d’une problématique vécue au quotidien par leurs enfants. Derrière cette organisation se cache un long travail de concertation. Discuter, se mettre d’accord sur un concept, préparer l’activité, l’argumentation, l’animation… Dans cette école, on ne compte pas les heures. « Ca fait partie de mon boulot ! » défend Marilyne Gillard.
A l’issue de l’activité menée au cours de la rencontre, les parents sont invités à s’exprimer sur leurs facilités, difficultés, sur la manière de faire, de dire, de partager, sur le quotidien de leur enfant. Chaque enseignant se montre patient et éclairant. Le temps nécessaire est consacré à ces éclaircissements.
« Toi+Moi+Eux + tous ceux qui le veulent… » (Grégoire, 2008)
Peu à peu, les parents connaissent le mode de fonctionnement de l’école, de l’équipe, mais surtout celui de leurs enfants. Les voilà outillés pour accompagner leurs enfants dans les devoirs et leçons à domicile. Les voilà un peu plus proches du monde l’école. Les voilà devenus véritables partenaires, collaborateurs de cette école « parents admis ».
La transparence des pratiques permet à chacun de se faire une idée de la manière dont le quotidien est vécu par les enfants. Dans certains cas, cela ne plaît pas toujours à tout le monde. Certains parents se trouvent très éloignés de leurs convictions personnelles, liées à leur passé, leur culture, leurs idées. Dans ces cas-là, ils décident de quitter l’aventure, et parfois, changent leur enfant d’école.
Cependant, l’école fait parler d’elle. Une école de quartier où la pédagogie est un moyen d’entrer en contact avec les parents pour aider chaque enfant dans sa vie scolaire…des concepts avant-gardistes, qui, dans d’autres cas, attirent un autre public de parents, soucieux du bien-être de leur enfant à l’école ou qui veulent épauler leur enfant dans la lutte contre l’échec scolaire. La population de l’école a évolué, en variété mais surtout en nombre. La variété, c’est la richesse.
Des parents expliquent : « On aime cette école, car notre enfant a le droit de se tromper, de recommencer… »
« La parole aux GRANDS »
Les grands ? Oui, tous les enfants de l’école le sont, et ils le prouvent en recevant leurs parents dans leur classe.
Un autre type de réunion est organisée régulièrement à l’école. Cette fois, les parents ne sont plus mélangés, mais invités dans la classe de leur enfant par leur enfant. Après la classe, chaque enfant présente et fait vivre une petite activité à ses parents, dans sa classe, sous l’œil bienveillant de son enseignant(e ). Chaque parent se fond dans la vie scolaire de son enfant, la respire, la goûte, l’entend, la touche, la vit. Confiance en soi, estime de soi…Pour tous. Là encore, tout le monde est bienvenu. C’est une occasion de parole pour tous, à nouveau, et c’est souvent le « merci » des parents pour l’enseignant(e) qui rythme la rencontre. Le merci des parents de cet élève si difficile ou encore de cette enfant dont la maman ne parle presque jamais. Un moment de véritable reconnaissance pour nos trois acteurs de la soirée : l’enfant d’abord, plein de fierté, l’enseignant ensuite, reconnu pour son professionnalisme, qui retrouve ou construit enfin son identité professionnelle, le parent, qui est devenu peu à peu la personne sur laquelle on peut compter aux forums d’école, à qui il est possible de s’adresser facilement, qui accompagne son enfant de manière active.
« Des conseils ? Au moins deux ! »
Le mot conseil, ici, n’a pas le sens qu’on lui attribue d’entrée de jeu. Il existe deux types de conseil dans cette école.
Le premier, c’est le conseil d’école : un moment et un lieu de parole où des décisions importantes sont prises : des règles à respecter, un cadrage organisé ensemble, à l’échelle de l’école. Un vrai cadre, de vraies références, décidées et approuvées par tous, mais surtout respectées.
Le deuxième, c’est le conseil de classe. Il se passe en classe, et dans toutes les classes de manière très régulière et permet à chacun de demander quelque chose en particulier. Cette communication régulière entre tous les acteurs de la classe permet de vivre mieux ensemble, d’évoluer et surtout de lutter aussi contre l’échec scolaire.
« Dans cette école, c’est magique alors ? »
Dans cet établissement scolaire, tout est bien réel. Il y a cependant un peu de magie dans les yeux de Marilyne Gillard lorsqu’elle évoque une des plus belles réussites chez un enfant.
Un enfant rejeté, ailleurs, dont une école ne voulait plus et qui ne voulait plus de l’école. Des semaines sans entrer en contact, des journées ponctuées par des actes violents envers tout le monde, y compris l’enseignante. Des heures pénibles pour tous. Mais, un peu à la fois, l’enfant a trouvé sa place. Ses parents ont participé aux rencontres, ont écouté les explications données par leur enfant. Il était si loin de l’école et de la réussite.
Tout n’est pas gagné, mais il y a déjà beaucoup de mercis pour avoir permis à cet enfant de se re-construire dans le monde de l’école, avec ses parents tout près. Très près.
Dans cette école, les parents sont admis.
A Saint-Gilles, dans un bâtiment imposant de la rue de la Rhétorique, se trouve une école en discrimination positive, dirigée par Véronique Lahoese. Marilyne Gillard y enseigne depuis une petite dizaine d’années, au cycle 1, en première ou en deuxième année primaire. Cette école a connu des hauts, des bas, et a voulu établir des relations plus claires avec les familles. Au fil des ans, l’équipe d’enseignants évolue, et décide de se bouger et de faire bouger les choses. Ils consacrent énormément de temps à se concerter, à discuter de leur école, une véritable école de quartier, qui est en discrimination positive, de leur identité professionnelle au sein de cette école, du futur de leurs élèves mais aussi du quotidien des parents. Des parents issus de milieux très variés, de nationalités diverses, qui parlent le français ou pas du tout. Ils tentent d’entrer davantage en contact avec eux et font le choix de leur poser les questions qui sont au centre de leurs débats : « Qu’est-ce qu’apprendre pour vous ? », « Quelle est la vie scolaire de votre enfant ? »
« Allo, ici l'école de votre enfant, j’écoute ? »
De manière étonnante, la plupart des parents répondent à l’enquête menée et communiquent leurs sentiments les plus divers, du plus sombre au plus éclairant pour l’équipe. Les enseignants sont à l’écoute de tous les propos, sans exception. La liaison était établie, mais il fallait passer à un autre mode de communication.
Pour l’équipe, il fallait les inviter à l’école pour montrer aux parents de quelle manière leurs enfants vivaient au quotidien. Une journée « Portes Ouvertes » ? Non, bien plus pointue que ça, l’équipe de Marilyne fait le choix d’informer les parents sur les convictions pédagogiques des enseignants, soutenus par leur directrice.
Dans un premier temps, ils réalisent un film sur DVD illustrant le quotidien des classes, la vraie vie à l’école, et la manière dont chaque enfant est pris en considération lors d’activités de tous les types. Le monde de l’école et en particulier, de la pédagogie, entre, par la voie médiatique, au sein de chaque famille.
L’équipe invite ensuite chaque parent à une rencontre, en soirée, autour de concepts qui rythment le quotidien des enfants en classe : l’apprentissage, le droit à l’erreur, les travaux de groupe ou encore l’apprentissage de la lecture. L’organisation de ces réunions est très caractéristique : il s’agit de montrer comment on apprend. L’équipe met un point d’honneur à accueillir les parents au sens large : ils peuvent venir accompagnés d’un proche qui sera leur interprète de la soirée, si la langue française les met mal à l’aise. Les parents qui se sont inscrits à la rencontre, sont « mélangés » de manière aléatoire et constituent quelques groupes. Chaque groupe rejoint une enseignante de l’établissement dans une classe. C’est là que se passe la rencontre. De la même manière dans chaque groupe, en utilisant les mêmes termes et avec les mêmes convictions, chaque enseignant place le groupe de parents en activité, autour d’un sujet, d’une problématique vécue au quotidien par leurs enfants. Derrière cette organisation se cache un long travail de concertation. Discuter, se mettre d’accord sur un concept, préparer l’activité, l’argumentation, l’animation… Dans cette école, on ne compte pas les heures. « Ca fait partie de mon boulot ! » défend Marilyne Gillard.
A l’issue de l’activité menée au cours de la rencontre, les parents sont invités à s’exprimer sur leurs facilités, difficultés, sur la manière de faire, de dire, de partager, sur le quotidien de leur enfant. Chaque enseignant se montre patient et éclairant. Le temps nécessaire est consacré à ces éclaircissements.
« Toi+Moi+Eux + tous ceux qui le veulent… » (Grégoire, 2008)
Peu à peu, les parents connaissent le mode de fonctionnement de l’école, de l’équipe, mais surtout celui de leurs enfants. Les voilà outillés pour accompagner leurs enfants dans les devoirs et leçons à domicile. Les voilà un peu plus proches du monde l’école. Les voilà devenus véritables partenaires, collaborateurs de cette école « parents admis ».
La transparence des pratiques permet à chacun de se faire une idée de la manière dont le quotidien est vécu par les enfants. Dans certains cas, cela ne plaît pas toujours à tout le monde. Certains parents se trouvent très éloignés de leurs convictions personnelles, liées à leur passé, leur culture, leurs idées. Dans ces cas-là, ils décident de quitter l’aventure, et parfois, changent leur enfant d’école.
Cependant, l’école fait parler d’elle. Une école de quartier où la pédagogie est un moyen d’entrer en contact avec les parents pour aider chaque enfant dans sa vie scolaire…des concepts avant-gardistes, qui, dans d’autres cas, attirent un autre public de parents, soucieux du bien-être de leur enfant à l’école ou qui veulent épauler leur enfant dans la lutte contre l’échec scolaire. La population de l’école a évolué, en variété mais surtout en nombre. La variété, c’est la richesse.
Des parents expliquent : « On aime cette école, car notre enfant a le droit de se tromper, de recommencer… »
« La parole aux GRANDS »
Les grands ? Oui, tous les enfants de l’école le sont, et ils le prouvent en recevant leurs parents dans leur classe.
Un autre type de réunion est organisée régulièrement à l’école. Cette fois, les parents ne sont plus mélangés, mais invités dans la classe de leur enfant par leur enfant. Après la classe, chaque enfant présente et fait vivre une petite activité à ses parents, dans sa classe, sous l’œil bienveillant de son enseignant(e ). Chaque parent se fond dans la vie scolaire de son enfant, la respire, la goûte, l’entend, la touche, la vit. Confiance en soi, estime de soi…Pour tous. Là encore, tout le monde est bienvenu. C’est une occasion de parole pour tous, à nouveau, et c’est souvent le « merci » des parents pour l’enseignant(e) qui rythme la rencontre. Le merci des parents de cet élève si difficile ou encore de cette enfant dont la maman ne parle presque jamais. Un moment de véritable reconnaissance pour nos trois acteurs de la soirée : l’enfant d’abord, plein de fierté, l’enseignant ensuite, reconnu pour son professionnalisme, qui retrouve ou construit enfin son identité professionnelle, le parent, qui est devenu peu à peu la personne sur laquelle on peut compter aux forums d’école, à qui il est possible de s’adresser facilement, qui accompagne son enfant de manière active.
« Des conseils ? Au moins deux ! »
Le mot conseil, ici, n’a pas le sens qu’on lui attribue d’entrée de jeu. Il existe deux types de conseil dans cette école.
Le premier, c’est le conseil d’école : un moment et un lieu de parole où des décisions importantes sont prises : des règles à respecter, un cadrage organisé ensemble, à l’échelle de l’école. Un vrai cadre, de vraies références, décidées et approuvées par tous, mais surtout respectées.
Le deuxième, c’est le conseil de classe. Il se passe en classe, et dans toutes les classes de manière très régulière et permet à chacun de demander quelque chose en particulier. Cette communication régulière entre tous les acteurs de la classe permet de vivre mieux ensemble, d’évoluer et surtout de lutter aussi contre l’échec scolaire.
« Dans cette école, c’est magique alors ? »
Dans cet établissement scolaire, tout est bien réel. Il y a cependant un peu de magie dans les yeux de Marilyne Gillard lorsqu’elle évoque une des plus belles réussites chez un enfant.
Un enfant rejeté, ailleurs, dont une école ne voulait plus et qui ne voulait plus de l’école. Des semaines sans entrer en contact, des journées ponctuées par des actes violents envers tout le monde, y compris l’enseignante. Des heures pénibles pour tous. Mais, un peu à la fois, l’enfant a trouvé sa place. Ses parents ont participé aux rencontres, ont écouté les explications données par leur enfant. Il était si loin de l’école et de la réussite.
Tout n’est pas gagné, mais il y a déjà beaucoup de mercis pour avoir permis à cet enfant de se re-construire dans le monde de l’école, avec ses parents tout près. Très près.
Dans cette école, les parents sont admis.
