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Un récent rapport de l’inspection (belge francophone) pointait le peu d’évaluation formative dans les classes, alors qu’il s’agit pourtant d’un concept devenu commun dans le discours pédagogique et inscrit depuis plus de 10 ans dans les textes légaux (Décret “Missions de l’école”, 1997). Comment expliquer cette absence ?
Ce phénomène est-il aussi vrai chez vous ?
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Dans notre école, nous essayons d’être le plus possible dans l’évaluation formative… C’est entre autres pour cette raison qu’il n’y a ni points ni bulletin « traditionnel » mais bien un « carnet d’évolution » qui met l’accent sur les forces et les faiblesses rencontrées par chaque enfant durant une période.
Il est aussi certain que l’évaluation basée sur l’observation des élèves demande une organisation pédagogique et méthodologique qui le permet ; il faut se créer des outils car cela demande de l’énergie, de la perspicacité… et plus il y a d’enfants dans la classe plus elle devient difficile ! Un facteur qui peut freiner celle-ci est peut-être à trouver dans la gestion en classe d’âge unique ou mono-titulariat… Une gestion en “plateau” permet d’avoir le regard d’autres enseignants sur un seul et même élève ; il y a là une richesse à partager entre collègues car un regard unique peut entraîner des dérives voire des erreurs de jugement ou d’appréciation !


Jean-Marc Buret

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Ceux qui parlent d'évaluation formative ne savent en général pas ce que cela veut dire. Pour pas mal de collègues, ce serait une évaluation "gentille", et sans jugement... 
Aucun rapport, bien sûr.
Est dite "formative", une évaluation qui débouche sur une régulation collective chargée de définir comment doit s'organiser la suite du travail d'apprentissage : sans cette régulation et cette décision, l'évaluation n'a strictement rien de "formatif".

Eveline Charmeux

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Je ne dispose pas de suffisamment de données statistiques pour attester que les enseignants, en France, recourent, ou pas assez, aux pratiques de l’évaluation formative. En revanche, de manière très empirique, c’est-à-dire au regard des visites en classes effectuées et de l’accompagnement d’étudiants ou d’enseignants en route vers des masters enseignement, je constate effectivement que la centration sur des dispositifs d’évaluation formative n’est pas encore devenue un réflexe professionnel.
Rares sont les enseignants rencontrés qui proposent à leurs élèves, de manière fréquente ou systématique, des évaluations en cours de séquence didactique pour qu’ils puissent estimer leur degré de maîtrise des savoirs en jeu. Dans le contexte de formations, il arrive même que certains proposent des situations d’évaluation, diagnostiques et/ou formatives, sans que leurs résultats n’induisent de modifications pour la suite de la séquence. « C’est parce qu’on nous a dit qu’il fallait en faire » certains arrivent même à reconnaître. En matière de pratiques d’évaluation, le poids de la norme ainsi que celui des pratiques vécues en tant qu’élève semblent prépondérants, au détriment de celui de ses intentions éducatives. Malheureusement, l’évaluation semble souvent conçue pour transmettre de l’information aux parents, aux collègues ou à l’administration, dans un esprit de bilan définitif et à visée de compétition. Elle semble peu utilisée comme un outil au service des apprentissages des élèves.
J’ai l’impression que, dans une classe, le fait que quelques élèves manifestent avoir appris, souvent à travers des réponses correctes à des questions posées par l’enseignant, constitue un indicateur fort pour donner l’impression que c’est le cas pour tous. Or, ce n’est qu’un leurre qui conduit la plupart du temps au passage à une autre question, sans prise en compte des écarts d’apprentissages. Cela donne l’impression que, pour les enseignants, les logiques d’enseignement sont encore plus fortes que celles d’apprentissages.


Sylvain Connac

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Ce ne sont que des hypothèses certes mais le poids de la tradition et de la quantification constitue sans doute un des facteurs explicatifs tout comme sans doute une attente sociale des parents.
Ce sont là des explications externes mais on peut aussi chercher des explications internes sur un saucissonnage des apprentissages qui rend inconfortable l’évaluation formative ou sans doute aussi, et c’est un corollaire, la difficile mise en place de la différenciation, fille de l’évaluation formative…


Michel Derache

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Dans son avis de 1992, Évaluer les apprentissages au primaire : un équilibre à trouver, le Conseil supérieur de l’éducation (Québec) remarque que l’évaluation dans sa fonction de régulation n’est pas encore bien intégrée aux pratiques pédagogiques. Une étude menée en Ontario à la suite de l’implantation d’un nouveau programme d’études commun (1995), indique que les enseignants reconnaissent l’importance d’évaluer les connaissances, les compétences et les attitudes, d’avoir recours à l’évaluation formative et sommative et de varier le type d’instrument de mesure. Toutefois, en pratique, ils semblent évaluer principalement à des fins administratives plutôt qu’à des fins pédagogiques.
Au Québec, la Politique d’évaluation des apprentissages (MEQ, 2003) annonçait comme première orientation l’évaluation intégrée à l’apprentissage. Une analyse menée de 2004 à 2006, par une équipe de chercheurs
auprès de 13 enseignantes québécoises du primaire reconnues dans leur milieu comme des innovatrices en matière d’évaluation conclut qu’il serait particulièrement important qu’on guide les enseignantes vers une meilleure connaissance des processus d’évaluation formative et d’autorégulation de l’apprentissage. Cette situation s’avère problématique particulièrement au Québec puisqu’elle oblige les enseignants à adopter une forme d’enseignement et d’évaluation pour laquelle ils n’ont pas été formés (Deniger & Kamazi, 2004) et qui s’éloignent de leurs pratiques actuelles.

Rien n’indique dans les recherches en cours présentement que ces pratiques ont changé. Au contraire, depuis le recul des autorités gouvernementales en regard de la façon de communiquer les résultats au bulletin scolaire, nombre d’enseignants sont retournés à leurs pratiques traditionnelles délaissant les défis que présentaient une évaluation au service de l’apprentissage.

Bref, trente ans plus tard, force est de constater que peu de changements ont été apportés dans les pratiques évaluatives chez les enseignants québécois et particulièrement ceux œuvrant auprès des clientèles de l’ordre secondaire.



Micheline-Joanne Durand

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Dans la dernière version de la politique d’évaluation du MELS (2003), le terme évaluation formative n’est plus mentionné ! En fait, on parle maintenant de l’évaluation comme aide à l’apprentissage. Sur le terrain, les enseignants utilisent quand même cette terminologie. Dans leur salle de classe, je dirais qu’il y a des pratiques d’évaluation formative mais qu’elles ne sont pas nécessairement planifiées de manière systématique ou même documentées. L’impact de ce type d’évaluation est donc grandement diminué.

Sylvie Fontaine

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En France comme ailleurs, il y a loin du discours aux actes. On pourrait dire avec Philippe Meirieu qu’en matière de pédagogie, « on est revenu de tout sans jamais y être allé » ! Comme toute démarche progressiste, celle de l’évaluation formative est plutôt bien reçue, bien perçue, mais peu mise en place. Comment expliquer pareil phénomène ?

Tout d’abord, il est difficile de mettre en place une pratique jamais vécue, jamais observée. L’innovation réclame de ses acteurs une curiosité hors norme et une confiance absolue qui ne correspondent pas à l’état dans lequel se trouvent les éducateurs aujourd’hui.

Par ailleurs, nous souffrons d’un manque cruel de temps. Les écoliers français auront à peine 140 jours de classe cette année. Autant dire que ce calendrier a été pensé pour que les notions soient exposées, retenues puis régurgitées lors des contrôles. Tout ce qui viendrait s’ajouter à cette démarche archaïque semble en trop : relevé des conceptions initiales, argumentation et confrontation, tâtonnement expérimental, évaluation formative, remédiation… Les emplois du temps n’ont pas été conçus pour supporter cet accessoire pourtant essentiel. Bref, un élève peut faire toute sa scolarité sans jamais rencontrer pareille démarche pédagogique.


Sylvain Grandserre

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L'écart entre le prescrit et le réel n'est pas belge :-). Il est humain, donc universel. La recherche montre que si l'on voit "peu" d'évaluation formative dans les classes, c'est pour deux raisons antagonistes :
1. les enseignants en "font apparemment moins" que ne le voudraient les injonctions ;
2. en fait, ils en font beaucoup, mais personne ne veut s'en apercevoir (voir
question 1).

Si l'évaluation formative est supposée être une évaluation lourdement et systématiquement instrumentée, alors elle est non seulement pesante, mais inutile. Et les enseignants ont raison de s'en passer. Si elle est plutôt une observation formative, alors elle est permanente, et elle peut utilement se développer. Encore faut-il l'appréhender sous cet angle.

Olivier Maulini

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Je pense que, dans de nombreuses écoles, l’organisation de la classe reste très formelle : découpage matières sans souci de différenciation. L’évaluation est donc rigide elle aussi et se base essentiellement sur des contrôles cotés qui permettent d’alimenter le bulletin.

Martine Meurant

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Personnellement, je n’ai jamais vu le terme d’évaluation formative dans les textes officiels. Il est vrai que je connais surtout les programmes pour la maternelle où j’ai trouvé, pour la première fois, dans les programmes de 1997 le terme « d’évaluation » à propos de la pédagogie par objectifs : «  Il est indispensable aussi que l'instituteur, toujours soucieux de l'efficacité de son action, puisse l'évaluer, au moins qualitativement. D'où un appel à la pédagogie par objectifs, utilisée ici comme une incitation à l'observation des comportements des enfants et non pas comme une théorie de l'éducation ». En 1986 l’allusion à l’évaluation formative se devine sans que le mot « formatif » soit jamais énoncé : « La prise de conscience des buts se fait progressivement, si l'enfant identifie bien sa tâche, en voit la portée et est associé à son évaluation (…) Il (le maître) garde la trace des activités et procède à leur évaluation avec les enfants. ». En 1995 il est encore recommandé d’associer les élèves à l’évaluation de leurs apprentissages : « mettre en place (chez l’enfant) des procédures intellectuelles à s'auto-évaluer et analyser et comprendre les causes d'un échec, à trouver les conditions de la réussite ». Par la suite, l’évaluation est surtout associée au contrôle des acquis.
Je pense que chez nous, les objectifs institutionnels privilégient l’atteinte du résultat attendu, la mise en place de compétences, la mesure de l’écart à la norme. La performance semble être, comme dans la société, la valeur dominante.


Marie-Thérèse Zerbato-Poudou