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Quels souvenirs personnels avez-vous gardés de l’évaluation à l’école, lorsque vous y étiez élève ?
Ont-ils
orienté votre réflexion sur l’évaluation à l’école, aujourd’hui ?
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Pour ma part, j’ai été formaté durant toute ma scolarité par les points ou autres notations certificatives ! Le début de ma carrière d’enseignant a fonctionné dans le même système car tel était le projet pédagogique de l’école ! C’est après une dizaine d’années en enseignement traditionnel que l’équipe pédagogique de l’époque s’est mise en réflexion sous la houlette d’un nouveau directeur et d’un inspecteur spécialisé dans la pédagogie Iéna. Cela fait maintenant 20 ans que je fonctionne en pédagogie différente et soyez sûr que je ne donnerais ma place pour rien au monde ! Notre projet est en perpétuelle évolution ; il ne se passe pas une année sans que des changements apparaissent… Notre projet est remis constamment sur le métier ! Cela demande de l’énergie mais quel plaisir de voir grandir « nos enfants » !
« Pour atteindre le meilleur, il ne faut pas craindre de risquer le pire ! » (J. Lang)
Je vous souhaite à toutes et tous de trouver des réponses à votre questionnement. Le fait de vous investir dans ce groupe de recherches est la preuve que notre métier a un avenir heureux.
Soyez audacieux et devenez les artisans de l’école de demain !


Jean-Marc Buret

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Bien sûr : j'ai toujours été frappée de voir un énorme écart entre les résultats des  évaluations et ce que je savais que je savais. 
Très souvent l'évaluation était bonne parce que j'avais mémorisé comment répondre aux questions, mais sans avoir compris... Donc sans rien savoir. Parfois aussi j'avais "bon" par pur coup de chance ... , et d'autres fois, l'évaluation était un échec, alors que je savais pertinemment ce qu'on me demandait, mais j'avais répondu n'importe comment parce que j'avais par exemple du chagrin extérieur à la classe, ou des soucis, ou autre chose en tête... 
Il faut savoir que les enfants, comme les adultes ont parfois la tête ailleurs — et pour des raisons parfaitement légitimes — et qu'il faut éviter de tirer des conclusions trop rapides de résultats aux exercices dits d'évaluation : en fait, ce n'est pas ainsi qu'on évalue, mais par des entretiens de confiance ... On ne peut rien évaluer sur un enfant malheureux ... Il ne faut jamais l'oublier.


Eveline Charmeux

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Je n’ai conservé que très peu de souvenirs d’école, si ce n’est ceux où j’obtenais de mauvaises notes, surtout en dictée, et redoutais ce qui allait se passer une fois de retour chez moi. Je n’ai commencé à prendre du plaisir à étudier que plus tard, au moment du lycée, à partir d’un petit événement : un enseignant de français, assez âgé et peu apprécié par les élèves, a décidé de se servir d’un de mes écrits de composition pour le lire à la classe en exemple. Je me souviens n’avoir même pas jeté un œil autour de moi, les copains étant habitués à ce que mes notes soient assez faibles et craignant d’être encore plus ébranlé que ce que j’étais déjà.
J’ignore le véritable impact de l’attitude surprenante de cet enseignant sur mes actuelles conceptions en matière d’évaluation mais je souhaite à tout élève en difficulté de vivre au moins une fois ces émotions dans son parcours scolaire.


Sylvain Connac

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Toute expérience qu’elle soit bonne ou mauvaise oriente notre réflexion sur nos pratiques.
Personnellement je n’ai pas de mauvais souvenirs d’évaluation en école primaire. Je ne peux pas en dire autant de l’école secondaire (mais c’était d’un autre temps), je citerais seulement confusion entre évaluation de l’apprentissage et évaluation de la qualité de la personne, cotation abrupte sans autre détail, évaluation de ce qui n’a pas encore fait l’objet d’un apprentissage….
Mais je peux aussi parler de l’évaluation de mes propres enfants lors de leurs études secondaires et je peux dire que là aussi les choses ont bien évolué.
J’ai le souvenir d’une véritable politique d’évaluation formative lors d’un cours de sciences ou encore d’une vraie évaluation critériée avec objectifs clairement annoncés et cotation argumentée lors d’un cours d’histoire dans le supérieur ou encore plein d’autres aspects positifs dans le respect de l’apprenant même si…les temps primitifs néerlandais restaient une guillotine.


Michel Derache

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J’étais une élève qui réussissait avec beaucoup de facilité à l’école, qui aimait relever les défis et m’investir dans des tâches signifiantes. Le problème que me posait l’évaluation c’est que je m’y intéressais peu. J’avais une très bonne mémoire alors je performais très bien dans les examens de connaissances mais parfois pour montrer l’aberration de ce qui était demandé, je pouvais par exemple, écrire un texte sans ponctuation ou sans majuscule. Je crois que oui, cela a influencé ma façon de voir l’évaluation aujourd’hui !


Micheline-Joanne Durand


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En fait, j’ai peu de souvenir d’avoir été évaluée en classe au primaire. Je me souviens de m’être demandé d’où venaient les notes de mon bulletin. J’ai retrouvé un bulletin du primaire l’été dernier et il n’y avait que des notes, aucun commentaire. Au secondaire, les notes obtenues aux divers tests et examens étaient cumulées au bulletin. Encore là, aucun commentaire. Je me sentais plutôt impuissante face à cette absence d’indication pour améliorer mon rendement.


Sylvie Fontaine

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Je ne m’en cache pas : mes premiers souvenirs de l’école sont assez exécrables (institut catholique privé bourgeois de centre-ville), et ceux relatifs aux évaluations n’y échappent pas, bien au contraire. En revanche, quand est venue, tardivement, la réussite scolaire, j’ai le souvenir d’une espèce de jubilation au moment des contrôles. C’est un peu comme pour un match : on l’aborde différemment selon que l’on soit dans la position du vaincu ou dans celle du vainqueur !


Sylvain Grandserre

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Comme nombre d'enseignants - et comme mes enfants - j'avais de bonnes notes à l'école, et je trouvais cela plutôt gratifiant. C'est moins mon expérience d'élève que celle d'enseignant qui a suscité un vrai questionnement.

Pourquoi passe-t-on tant de temps à prétendre mesurer ce que les élèves apprennent, alors que nous devrions chercher à les faire apprendre, plutôt qu'à nous rassurer en permanence et à leur détriment ? J'ai donné ci-dessus un début d'explication. Il ne faut pas croire que le problème soit simple, encore moins la solution. Il me semble qu'il faut surtout penser l'évaluation scolaire dans le cadre plus général de ce qui est validé (ou non) dans la société, par qui, pour qui, selon quelles procédures, etc.

La recherche a montré que plus la compétition sociale pour les places de travail, les salaires, les revenus est forte dans un pays - et plus elle dépend des diplômes - plus l'école et les élèves sont mis sous pression. Ce n'est pas seulement grave parce que la sélection est alors féroce et précoce. C'est préoccupant parce que l'omniprésence de la "lutte des places" entraîne les gens d'école à moins se préoccuper de faire en sorte que tout le monde apprenne, qu'à justifier - sans (trop de) contestation possible - les inégalités. La valeur (la vraie !), n'est ainsi plus le savoir pour tous, mais la juste répartition entre futurs savants et ignorants. Il y a un écart - voire une rupture - entre ce qu'on affirme que l'école doit viser formellement (l'intégration pour tous) et ce qu'elle doit valoriser effectivement (une juste sélection). Et comme les valeurs affichées ne sont pas les valeurs pratiquées, on ne sait plus ce qui vaut, et on le remplace en dilatant la non valeur de l'évaluation... La bulle enfle dangereusement , nous le savons, mais nous savons aussi que l'être humain a besoin de faire éclater les bulles (celle de la spéculation financière, celle du réchauffement climatique, etc.) avant de réduire la voilure et de retrouver la raison.

Tout cela est évidemment vite et brutalement dit
1...


Olivier Maulini

1 : … Pour aller plus lentement, voir par exemple ici .

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Seuls les points comptaient, accompagnés d’étiquettes « bon élève », « nul », ... !
Je me rappelle aussi de la proclamation des résultats de l’examen cantonal : du meilleur au moins bon !!! Heureusement, cela se raréfie…
Ce ne sont pas ces souvenirs qui ont orienté ma vision mais la chance d’avoir travaillé dans une école où la réflexion et la remise en question étaient très présentes.


Martine Meurant

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Je n’ai pas de souvenirs précis, si ce n’est, comme beaucoup de personnes de ma génération, l’attente de la note ! La compétition aussi. Si j’ai travaillé sur l’évaluation, c’est par hasard. J’étais enseignante en maternelle et j’avais repris, tardivement, des études à l’université pour comprendre le fonctionnement des enfants et améliorer mes pratiques. En sciences de l’éducation, de nombreux cours portaient sur l’évaluation, j’étais persuadée ne pas être concernée parce que en maternelle, le contrôle, la notation n’existaient pas (c’était dans les années quatre-vingt). J’ai vite compris que j’évaluais tout le temps, oralement, et de façon insidieuse parce que spontanée, peu étayée, et très subjective. J’ai donc considéré comme un enjeu l’introduction de l’évaluation formative dans ma classe de moyenne section pour l’apprentissage de l’écriture. Ma thèse a donc porté sur cette discipline, j’ai enseigné le geste d’écriture en m’appuyant sur la pratique de l’évaluation par la verbalisation des critères en référence aux thèses de Vygotski sur le langage. Qui parle ? Pas seulement l’enseignant. De quoi parler ? Des critères.
J’ai appris à me taire au cours du travail des élèves, à ne pas intervenir en disant « tu t’es trompé, ce n’est pas comme ça, recommence », « fais ceci ou cela ». Le travail fini, les élèves étaient conviés à regarder leurs essais au travers des critères que je leur donnais : « pour que le mot soit bien écrit, il faut qu’il y ait toutes les lettres. Regardez si vous les avez toutes tracées » plutôt que de dire : « tu as oublié celle ci », et ainsi de suite. Je pense que le regard porté sur le fonctionnement des élèves plutôt que sur leurs réussites ou échec a été la clé des progrès de tous.

Et enfin …

On dit que l’évaluation formative sert à réguler les apprentissages, il faut cependant préciser que la régulation est vue ici comme un processus dynamique et complexe pour agir sur la construction interne des réponses, et non pas comme un simple réajustement ou mise en conformité par rapport à une norme attendue.



Marie-Thérèse Zerbato-Poudou